L’intégration des enjeux environnementaux dans la station de demain
Si Grenoble est une véritable porte d’entrée vers la montagne : les Alpes, Grenoble est également une ville universitaire, une ville de recherche et d’innovation. Pour preuve, Thomas Spiegelberger est venu présenter quelques actions de recherche concrètes menées par l’IRSTEA sur la durabilité économique et écologique des stations de ski. « Les approches qu’on souhaite mettre en avant sont à la fois des approches disciplinaires, en écologie, en économie, en sociologie mais aussi des approches interdisciplinaires pour notamment atteindre l’objectif de la durabilité des actions. On essaie de se concentrer sur les stations de montagne
». Par exemple, l’IRSTEA a développé, en collaboration avec le centre des études de la neige de Météo France, un indice de viabilité des stations de ski et mène des recherches et des actions tournées vers l’écologie et les recherches en écologie. « Au sein de notre unité de recherche , on travaille par exemple sur des approches innovantes de classification via la télédétection mais aussi sur la réhabilitation et la restauration des zones humides via des approches en ingénierie écologique qui peuvent contribuer à la revalorisation de tous ces espaces » explique Thomas Spiegelberger. En outre, l’institut grenoblois mène un vaste programme de recherche autour de la revégétalisation des pistes de ski depuis les années 1980. « On sait qu’il y a à peu près 600 hectares de pistes qui sont remodelés chaque année dans les Alpes françaises, uniquement dans les Alpes françaises, et donc 600 hectares qui nécessitent un traitement pour stopper l’érosion, pour stabiliser les terrains et permettre le maintien de la neige ». Une des solutions trouvées consiste à semer sur les zones aménagées, des semences d’origine locale, mieux adaptées à la revégétalisation des terrains de montagne. « Ces semences proviennent d’un rayon d’un kilomètre de là où on essaie de restaurer le terrain » précise Thomas Spiegelberger.
De la théorie à la pratique
La S3V a d’ailleurs collaboré étroitement avec l’IRSTEA pour la revégétalisation des pistes de ski du domaine de Courchevel.
La S3V est passée de la théorie à la pratique en collaborant étroitement avec l’IRSTEA sur la transplantation des semences locales pour le réengazonnement de ses pistes. Pourquoi une telle démarche ? « Quand on travaille en montagne, c’est qu’on aime la montagne, et quand on aime la montagne, on est sensible aux paysages. Il nous a semblé à la S3V qu’on pouvait améliorer nos paysages, notre impact sur l’environnement, donc on a cherché des méthodes pour le faire, et j’ai rencontré Thomas Spiegelberger » confie Pascal de Thiersant avant d’ajouter que « transplanter des semences locales permet de redonner aux paysages leurs couleurs d’origine, parce que souvent les semences qui viennent de la plaine font des taches vertes qui ne sont pas très esthétiques ». La mise en place d’une telle démarche est également créatrice d’emplois ; elle crée une véritable filière locale, et limite l’impact environnemental puisque les semences sont locales et n’ont par exemple pas besoin d’être acheminées depuis la plaine. Au-delà de cette expérimentation, la S3V avance pas à pas pour développer une activité économique qui soit compatible avec un environnement de qualité comme en témoigne Pascal de Thiersant, « principalement sur Courchevel, on mène une réflexion pour diminuer le nombre de remontées afin de diminuer l’impact visuel et donc la pollution ».
Impact environnemental, l’exemple de la S3V
La société des 3 Vallées est depuis longtemps investie dans la diminution de son empreinte écologique. Depuis plus de dix ans, elle achète de l’électricité verte, mène des actions sur les bâtiments, notamment en matière d’isolation, procède au remplacement de chaudières fioul par des chaudières à bois pour ne citer que ces exemples. « Et, plus récemment, on a accéléré les actions et on a créé un observatoire de l’environnement qui chaque année évalue l’impact des travaux ou suit l’impact sur la faune par exemple » confie Pascal de Thiersant avant d’ajouter : « nous avons choisi deux espèces emblématiques qui sont le tétras-lyre et le lièvre variable, et nous suivons les populations de ces espèces. À travers cet observatoire, nous mettons en place un certain nombre de dispositifs, par exemple des zones de défense pour le tétras-lyre pour qu’il soit paisible l’hiver et nous mesurons à la fois l’impact de ces actions et l’impact général de notre activité économique sur la faune ». Ce projet réunit la FRAPNA, le Parc de la Vanoise, les chasseurs, les services de l’État pour faire cohabiter à la fois une vision économique, essentielle au maintien des populations de montagne, et le respect de l’environnement. La S3V pense également ses investissements en ayant toujours comme impératif la réduction de son empreinte sur l’environnement, que ce soit en matière de remontées mécaniques, de neige de culture, ou pour tout autre poste.
Qu’en est-il à l’étranger ?
À l’image de l’IRSTEA de Grenoble, l’Institut agricole d’Aoste en Italie est un institut de recherche appliquée qui se trouve être un pivot entre différents mondes, le monde agricole bien sûr mais également celui de la gestion du territoire et des stations de ski. Pour accompagner les domaines skiables, l’Institut agricole d’Aoste a également travaillé sur les techniques de réengazonnement des pistes, comme l’a confié Mauro Bassignana. « En ce qui concerne les pistes de ski et les travaux de réaménagement, on y travaille. Au début c’était avec des essais de semences du commerce. On a vu qu’on avait besoin d’un matériel génétique local, aspect fondamental car au-delà d’une certaine altitude, on n’a pas de réussite satisfaisante si on parle des semences commerciales. Il n’y a pas que les zones thermiques qui permettent aux espèces de s’installer, de se reproduire. Et donc on est parti sur une autre piste, c’est-à-dire la réutilisation de semences locales en récoltant les graines des alpages ». Pour ce faire, l’Institut agricole d’Aoste a développé deux méthodes : soit récolter l’herbe avec les graines « à la main », soit faire appel à des machines qui brossent les pelouses ou les prairies. Séduit par cette deuxième technique, l’Institut agricole d’Aoste a développé, avec l’IRSTEA de Grenoble, un prototype d’engin répondant à leurs besoins. Au Canada, l’intégration des enjeux environnementaux passe, pour la station de Grouse Mountain, par le développement des énergies vertes comme l’a confié Kevin Smith. « Nous avons une éolienne au sommet de notre montagne qui peut fournir jusqu’à 25 % de notre consommation énergétique lorsqu’elle fonctionne à plein régime. Mais ce n’est pas seulement un avantage pour nous, c’est presque devenu une icône pour Vancouver et pour nos programmes éducatifs ». En effet, la station canadienne mise également sur l’accueil de groupes scolaires pour les sensibiliser à l’environnement comme en témoigne le directeur des opérations montagne de la station canadienne : « nous accueillons près de 20 000 visites scolaires par an, sur une base éducative ». La station a également mis en place un programme de tri, de recyclage et de compostage. « Tous nos déchets sont triés à la main, par notre personnel, à la fin de chaque journée, pour qu’on puisse s’en occuper correctement » précise Kevin Smith. Grouse Mountain Resort a également développé un programme de co-voiturage visant à diminuer le nombre de voitures au sein de la station, et son empreinte environnementale.